La diagonale des Fous bouclée, Gilles se requinque avec du rougail saucisse, entre autres… Il nous fait cadeau de son aventure incroyable, difficile ô combien, « une course complètement à part , de celles qui mettent le corps et le mental à rude épreuve« .
« Même si je m’étais bien préparé depuis un an, je n’imaginais pas la difficulté des sentiers ! Mon objectif était de finir avec suffisamment de marge sur la barrière horaire de 68h, ce qui a été le cas!
Le départ de la course, donné à 22h à Saint Pierre, est une pure folie ! Avec des spectateurs à bloc des deux côtés sur 5 km encourageant les 3000 coureurs, on en pleure d’émotion dès les premières foulées !
La première partie jusque Mare à boue se passe bien à un rythme régulier. Ensuite je repars vers Cilaos via Kerveguen, point culminant de la course à 2485m, la descente du Bloc très technique, on a l’impression de ne pas avancer ! Une pause d’une heure à Cilaos au 76e km avec douche, repas, sieste flash de 10 min et kiné.
Je repars tout neuf et j’attaque la 2ème nuit avec la montée du col du Taibit où je double beaucoup de monde dont de nombreux trailers dormant le long du chemin ! La tisane ascenseur (citronnelle, gingembre, miel) m’aide à finir cette montée qui me permet de rentrer dans le cirque de Mafate pour un grand tour de 40 bornes avec un ciel étoilé grandiose.
Je fais une 2ème sieste flash à Aurère avant d’attaquer la terrible montée du Maido un mur de 1700m D+ après plus de 110 bornes !! Le lever du soleil dans Mafate est grandiose colorant les murs du cratère en rouge, mais une fois dans la montée du Maido, il est déjà bien haut et ça cogne fort. Je mène un pas tranquille un groupe d’une dizaine de coureurs jusqu’au bout de ce sentier vertigineux dont on ne voit jamais la fin. La délivrance se fait en passant la fameuse porte où les supporters sont là avec des « Allez Gilles ! » incroyables. Je fais un arrêt podologue au Piton des Orangers car les pieds commencent à chauffer sérieusement ; heureusement, pas d’ampoules mais la crème anti frottements est nécessaire.
La descente de 1900m le long du rempart de Mafate vers Îlet Savannah via Sans souci est éprouvante car je n’arrive pas à bien courir en descente. Pause d’une heure à Îlet Savannah 140 km avec repas et passage podologue, la route est encore longue ! Puis montée vers chemin Ratinaud et sentier Kalla où l’on doit s’accrocher aux branches pour passer ! Dans la descente vers la Possession, je sens que les hallucinations arrivent avec les pierres sur lesquelles je marche qui grossissent et prennent des têtes de monstres…je fais une petite pause de 15 min dans ma couverture de survie sur le bord du sentier et je dors bien. Je reprends vers La Possession où je rencontre Alain, réunionnais de 71 ans qui fait sa 14e Diag dont 8 finies. On papote et on attaque le Chemin des anglais vers la Grande Chaloupe ; ce chemin est un entassement de roches volcaniques de plus en plus désordonnées, de quoi se faire de belles entorses ! Parvenu à la Grande Chaloupe à 160km, on est en fait loin d’être arrivé, c’est très dur, mais je positive.
Les encouragements sont toujours là : « Pas de doute, à La Redoute !» « Tipa, tipa Gilles ! » on monte à Saint Bernard puis Colorado, je suis cuit, je fais une bonne pause pour rester lucide dans la descente qui est interminable mais je sens que le stade de La Redoute n’est plus très loin et le moral revient. J’ai même droit à une interview flash de Patrick Montel alors que je suis à moitié en train de pleurer dans la descente ! Le stade est là, l’émotion est dingue, je cours ce dernier demi tour de piste et passe la ligne après plus de 61 heures d’effort près de 190km et plus de 10600m de dénivelé. Depuis ce dimanche magique, je récupère doucement en « marchant karté » et les pieds vont de mieux en mieux. Au programme repos, plages, rougail saucisse et rhum arrangé !
Merci encore à toutes et à tous pour vos messages, musiques, vidéos que je regardais aux pauses ravito, de vrais boosters surtout sur la dernière partie. Cette course était un rêve pour moi depuis longtemps. Le voilà réalisé.
Vivons nos rêves plutôt que de rêver notre vie !
